Regards
Je ne sais pas ce que je fais ici, je ne sais pas pourquoi tous ces gens me regardent d’une manière bizarre. Ça me donne des frissons. Je me regarde de haut en bas pour voir s’il y a quelque chose de bizarre dans mon habillement, mais non je suis telle que je suis sortie de la maison. Les hommes sont vraiment des porcs, partout où je suis passée on m’a reluquée jusqu’à que je le sente jusqu’au os avec des remarques obscènes et des sifflets pour accompagner ces regards. Je n’aurai du ni suivre les conseils de Penda ni la suivre tout court. Je porte des habits mais ces regards me font sentir nue.
C’est la seule amie que j’ai, c’est ma sœur d’une autre mère mais nous sommes tellement différentes : elle est drôle, extravertie, belle et moi je suis là, inintéressante, aucune qualité particulière mais les gens disent que je suis gentille. Ils sortent la carte de la gentillesse quand ils cherchent des qualités mais n’en trouvent pas, personne n’est sincère avec moi sauf Penda.
Elle m’a forcée à la suivre, limite menacée. Je n’aime pas la vexer donc je l’ai suivie dans ce lieu rempli de charognards. Elle m’a même forcée à porter cette robe beaucoup trop moulante à mon avis mais plutôt belle quand même. « Ça va mettre en valeur ton corps, ça changera des sacs de patates que tu mets d’habitude », ces sacs de patates qu’elle dit je les aime beaucoup c’est ample et confortable, mais même avec les hommes ne peuvent pas s’empêcher de m’aborder et de mal me parler. À quel moment se disent-ils que les femmes aiment être traitées de la sorte ?
Penda marche trop vite j’ai du mal à la suivre, je sens une présence derrière moi et quelqu’un chuchoter « C’est tes grosses fesses qui t’alourdissent » je me suis surprise moi-même d’avoir répondu sèchement « Va dire ça à ta mère », il sourit et fait mine de ne me pas avoir entendu. C’est un vieux monsieur, il pourrait clairement être mon père voire mon grand-père. J’ai eu honte d’avoir été impolie envers une personne âgée, Penda répond souvent aux hommes comme ça, j’ai réagi comme ça sans doute par mimétisme.
-Haha je suis fière de toi me dit Penda tout en se tordant de rire
-Pourquoi tu dis ça ?
-Tu as bien répondu à ce vieil âne
-Ça te fait rire ? j’ai été impolie je trouve
-Il a été impoli en premier hein, œil pour œil
-Dent pour dent
On se regarde et on éclate de rire.
-C’est pour ça que je te fais sortir me dit-elle
-Ça quoi ?
-Tu es trop gentille, trop polie, trop calme
-Je ne suis pas comme toi lui dis-je
-Je ne te demande pas d’être moi, tu es très bien comme tu es, il faut juste que tu t’améliores face à certaines situations.
-Tu as raison, je vais essayer
-Non tu ne vas pas essayer, tu vas le faire ! Allez quittons ici.
Je veux tellement être comme elle, je n’ai pas un complexe d’infériorité, elle me fascine juste.
En sortant, mon regard croise celui du vieux monsieur. J’ai pensé qu’il a sans doute une famille, j’ai de la peine pour eux, ils ne savent pas que leur père a un comportement comparable à celui d’un phacochère. Beaucoup dans cette société sont comme lui et ça me fait peur.
Je suis juste une fille de 16 ans qui accompagne son amie au supermarché.