Banc Jaaxle

Papa Ibrahima FALL
3 min readFeb 10, 2022

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Un dimanche comme les autres s’annonce : je n’ai rien à faire. Je pense à la fatigue qui m’attend le lendemain, les embouteillages du lundi matin, la semaine de travail qui arrive, bref, je n’aime pas les dimanches. Je les aime encore moins depuis que j’ai déménagé dans cet immeuble. Cela fait juste trois semaines que j’y habite mais j’ai du mal à m’adapter à cet environnement : les mômes sont dehors dès 8h comme si leurs parents voulaient se débarrasser d’eux, je les comprends un peu : c’est difficile d’être à plusieurs dans une chambre similaire à la mienne plus d’une nuit.

Après mon petit déjeuner je décide de sortir faire le tour de mon nouveau quartier, ça me permettra de voir des personnes hors de l’atmosphère anxiogène des transports et du travail. L’agent immobilier m’avait dit qu’il y a ce que les sénégalais appellent un « espace vert » dans le quartier: une allée avec une rangée d’arbre et quelques bancs, j’y vais et m’installe sur un banc libre.

Je trouve cocasse le fait que la population appelle ces bancs « Banc Jaaxle » (Banc des confus) parce que moi-même je ne sais pas pourquoi je suis assis là. J’aime observer les gens, on m’a même dit un jour que j’abusais, que j’étais bizarre mais ce n’est pas de ma faute si je prête beaucoup d’attention aux détails. Je m’amuse à deviner d’où les riverains viennent et où ils vont selon leur accoutrement et leur allure. Je me prends pour Sherlock Holmes avec mes déductions souvent foireuses mais c’est toujours drôle et ça fait passer le temps.

Une fille vient s’assoir juste sur le banc d’en face. Elle est magnifique. Elle m’a regardé dans les yeux, je ne rêve pas. Un léger voile beige cache ses cheveux, elle porte un haut noir et un pagne en wax, je vois de la confusion dans ses grands yeux ; Décidément ce lieu attire les gens troublés. J’hésite à aller lui parler mais je ne sais pas comment l’aborder. La complimenter ? Ringard. La taquiner par rapport à son habillement ? Trop Déplacé. Entamer la discussion en lui demandant son nom ? Trop intrusif. Je suis un pleutre, un lâche, je me déteste parfois. Et si elle attendait son amant pendant tout ce temps alors que je suis en train de la reluquer ? C’est sans doute le cas d’ailleurs, je me lève et m’en vais. De toute façon j’ai assez vécu pour me rendre compte que je ne suis pas fait pour vivre l’amour. Le bonheur dans l’amour c’est comme la loterie, ça n’arrive qu’aux autres. En tout cas j’espère que je la reverrai.

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Ils se disputent encore. Je n’en peux plus de cette maison je ne peux même plus étudier en paix, mes examens arrivent et si j’échoue ils se disputeront encore sur le fait j’aie échoué. Je suis sortie, il me faut de l’air, je vais aller m’asseoir sur les bancs et me vider un peu la tête.

Il y’a un monsieur en face du banc sur lequel je suis assise. Il est très beau, le jour où je vois enfin un beau gosse dans ce quartier il a fallu que je sois habillée aussi bizarrement, j’ai honte là. Il a l’air perdu dans ses pensées, le pauvre à quoi pense-t-il pour sembler si confus ? Il me regarde, et quand nos regards se croisent il regarde ailleurs. On dirait qu’il parle tout seul ça le rend plus mignon.

Concentre-toi tu n’as pas le temps pour vivre des amourettes et craquer pour des inconnus, les hommes ne sont pas sérieux, s’ils ne te disent pas ouvertement qu’ils désirent ton corps et rien d’autre, ils le pensent. Ils sont dégoutants.

Mais celui-là parait différent ou j’ai envie de croire qu’il est différent parce qu’il me plait, il dégage quelque chose de différent, c’est inexplicable. Il se lève, je t’en supplie viens me parler, j’ai envie de te connaitre. Il s’en est allé, je suis trop naïve, je me fais trop de films dans ma tête. Il ne faut pas rêver, l’amour ce n’est pas pour moi. En tout cas j’espère que je le reverrai.

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Papa Ibrahima FALL

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